À la rencontre de Pauline Secchioni (doctorante, Université de Picardie Jules Verne)

12 avril 2022

Le GIS P2ATS rencontre Pauline Secchioni qui prépare sa thèse en Archéologie des périodes historiques – Vivre sous terre et derrière les murs, la citadelle de Doullens (Somme) au XXème siècle : étude historique et archéologique – sous la direction de Marie-Laurence Haack et de Xavier Boniface (université de Picardie Jules-Verne).

GIS P2ATS : Chère Pauline, pour commencer cet entretien, pouvez-vous vous présenter et évoquer votre parcours ? Comment en êtes-vous venue à concevoir un projet de thèse lié à des questions militaires ?

Pauline Secchioni : Je suis actuellement en deuxième année de doctorat. Pour en arriver là, j’ai fait deux ans de classes préparatoires avant de valider une licence d’histoire à l’université d’Avignon, d’où je suis originaire. Je suis venue à Amiens pour pouvoir faire un master recherche en histoire et archéologie contemporaines. Mon projet de thèse, qui s’inscrit dans la continuité de mon master s’est construit naturellement. Il me semblait logique de pouvoir approfondir ce que j’avais déjà engagé en poussant mes recherches encore plus loin. Je travaille sur la citadelle de Doullens (Somme) durant les deux guerres mondiales ainsi que durant la période d’accueil des Harkis (1962-1965), des occupations assez mal connues pour un site comme celui-ci.

Comment vous est venue l’idée de travailler sur l’accueil des Harkis ?

PS L’idée de travailler sur l’accueil des Harkis m’a d’abord été recommandée par mes directeurs de mémoire (et aujourd’hui de thèse) afin d’approfondir mon sujet de recherches et d’inclure, en plus des deux guerres mondiales, une période d’occupation qui ne correspond pas à l’usage habituel de la citadelle. De plus, ce camp, qui ne devait être au départ qu’une solution temporaire, a finalement duré dans le temps : la citadelle fait partie des camps qui sont restés ouverts le plus longtemps. Or, c’est une histoire dont on ne connaît pas tous les détails, ce qui m’a convaincue d’intégrer cette période dans mes recherches.

Quels sont les principaux enjeux de votre recherche en cours ?

PS Je dirais que le plus important est avant tout de pouvoir restituer une histoire rarement étudiée auparavant alors qu’elle est pourtant très riche et fascinante. Étudier la citadelle de Doullens m’a permis de revoir mon approche de l’époque contemporaine à travers de nouveaux champs disciplinaires et d’enrichir ainsi ma culture personnelle. Sur le plan méthodologique, je dirais qu’il est important, pour ma thèse, de réfléchir aux problématiques de la recherche et de l’archéologie pour l’époque contemporaine. Il est intéressant de voir comment les méthodes archéologiques, utilisées pour les périodes anciennes, peuvent aussi être mises au service de sites plus contemporains.

Pouvez-vous nous donner un exemple de pratique archéologique appliquée à votre sujet ?

PS Il faut savoir que la citadelle de Doullens a désormais ses campagnes de fouilles. Les deux premières semaines de fouilles ont eu lieu en septembre 2021 et de nouvelles campagnes sont prévues dans les années à venir. Les résultats ne sont pas encore publiés, mais c’est un site qui s’annonce prometteur. Fouiller sur des sites contemporains ne diffère pas des pratiques appliquées lors de fouilles sur des sites plus anciens. Par exemple, pour mon mémoire, j’ai étudié trois graffitis, datant du début de l’année 1940, se trouvant dans les contremines de la citadelle de Doullens. Grâce à eux, on sait désormais que les Britanniques avaient l’intention d’installer dans la citadelle leur grand QG gérant l’ensemble de leurs armées. Or, les archives françaises n’avaient jamais pu documenter les raisons de la présence des Britanniques dans la citadelle au début de l’année 1940. Il s’agit là de l’application des méthodes de la paléographie à des graffitis contemporains.

Avez-vous des projets en dehors de la thèse ?

PS En ce moment, je collabore avec Gilles Prilaux (archéologue pour Somme Patrimoine, notamment spécialisé de l’époque contemporaine) à la publication d’un ouvrage sur la citadelle de Doullens durant les deux guerres mondiales. Il s’agit de présenter les résultats déjà obtenus d’un point de vue historique et de proposer enfin un ouvrage qui traite ces périodes. J’ai eu en outre la chance d’être choisie cette année pour faire partie du jury du Festival du Film d’Archéologie d’Amiens (qui se déroulera du 28 mars au 2 avril 2022). C’est une expérience totalement nouvelle pour moi mais qui promet d’être très intense.

Pouvez-vous nous présenter plus en détail le Festival du film d’archéologie d’Amiens ?

PS Le festival du Film d’Archéologie d’Amiens a été créé en 1990 et c’est la 16^e édition qui va avoir lieu cette année. Le but est de présenter au grand public un large choix de documentaires (de courte ou longue durée) sur le patrimoine archéologique français mais aussi international. Cette année, ce sont presque 70 documentaires qui vont être diffusés dans les salles du cinéma Gaumont d’Amiens. À l’occasion de ce festival, 4 prix sont décernés : le prix du meilleur film, celui du meilleur film consacré à l’archéologie métropolitaine, celui du film faisant ressortir l’aspect « aventure humaine » de l’archéologie et celui du meilleur court-métrage. C’est vraiment l’occasion de se tenir au courant de ce qui se fait en ce moment en archéologie.

Quel est votre site ou objet patrimonial préféré ?

PS J’ai le plaisir de faire des recherches qui me passionnent et il va sans dire que je trouve la citadelle de Doullens particulièrement belle et majestueuse. C’est un site où l’on sent l’histoire dans chaque pierre et chaque brique. En plus de cela, c’est le premier site que j’ai découvert quand je suis venue m’installer dans la région et qui a confirmé ma volonté de travailler sur l’époque contemporaine.

Mais je reste tout de même Avignonnaise et, même si ce n’est pas un site/patrimoine militaire à proprement parler, le Palais des Papes reste un de mes lieux favoris. Je ne manque jamais d’aller le voir quand je reviens voir ma famille !

Si vous aviez deux conseils de lecture à donner, l’un universitaire, l’autre non, quels seraient-ils ?

PS Il est compliqué de donner un seul conseil de lecture, mais, d’un point de vue universitaire, je pourrais conseiller les ouvrages de Sophie Delaporte qui a travaillé sur la médecine durant la Grande Guerre. Quand j’ai commencé mes recherches, j’ai appris que la citadelle de Doullens avait été utilisée comme hôpital militaire français (puis canadien). Je me suis alors rendue compte que c’était là un aspect de la guerre que je n’avais pratiquement jamais rencontré durant tout mon parcours scolaire. J’ai vraiment eu l’impression de redécouvrir ce conflit et de l’aborder d’une manière totalement inédite, davantage à travers l’angle des soldats qu’à travers celui des politiques et des stratégies militaires mises en place.

En lecture plaisir, je conseille les ouvrages de Joël Dicker. C’est un auteur que j’apprécie énormément et son dernier livre vient tout juste de sortir (je l’ai d’ailleurs rapidement acheté et lu). Il a un style qui me plaît beaucoup qui consiste à mélanger deux temporalités : une passée et une actuelle, en mettant généralement en scène un auteur qui doit écrire un livre et qui s’inspire de ce qu’il vit (souvent, cet auteur participe à la résolution d’enquête à un moment donné où il est en panne d’inspiration). Ces ouvrages me permettent de sortir des lectures effectuées pour mes recherches et de me changer les idées durant les dimanches après-midi qui sont souvent pluvieux et gris dans ma région d’accueil…

Pour en savoir plus sur le projet de thèse de Pauline Secchioni.

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