Octobre 2024 : Colloque – Barrières, redoutes ou fortins… : les structures défensives avancées et détachées dans les systèmes de fortifications médiévales

Château de Joux, La Cluse-et-Mijoux, 25)
12-13 octobre 2024
Inscription avant le 10 octobre 2024 (dans la limite de 50 places disponibles)
Contact: colloque.joux[at]gmail.com

PROGRAMME

Samedi 12 octobre 2024

8h45 – Accueil des participants au colloque

9h20 –  Accueil par M. FAIVRE (Vice-président en charge du Tourisme, Communauté de communes du Grand Pontarlier) Mme Laurène MANSUY (Directrice du Château de Joux)

9h40 – Introduction du colloque par V. METRAL (Communauté de communes du Grand Pontarlier, UMR 6249 Chrono-Environnement) et G. KOENIG (Université de Bourgogne, UMR 6298 ArTeHis)

Première session : Les structures défensives avancées médiévales tardives Périurbaines
présidé par Hervé Mouillebouche, Maître de conférences en histoire médiévale, Université de Bourgogne, UMR 6298 ArTeHis

9h50 –Au-delà du castrum, les défenses avancées de la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) du XI^e au XIII^e siècle par Laurent BEUCHET (Responsable de recherches archéologiques, Inrap, UMR 6566 CReAAH) ; Elen CADIOU (Responsable de recherches archéologiques, spécialiste du bâti, Inrap, UMR 6566 CReAAH) ; Marie MILLET (Responsable de recherches archéologiques, Inrap, UMR 6566 CReAAH) et Pierre POILPRÉ (Spécialiste des sources historiques et archives, Inrap)

La ville de Rennes connaît trois phases principales de fortifications urbaines construites en pierre : le castrum antique érigé au IIIe siècle et les enceintes de la Ville Neuve et de la Nouvelle Ville mises en place successivement au cours du XVe siècle. En réalité, les études préventives et programmées des vingt dernières années ont révélé des phases de reconstruction antérieures, montrant que le castrum et les accès à l’agglomération n’ont cessé d’être renforcés au cours du temps. Ces travaux s’accompagnent notamment d’ouvrages avancés de terre et de bois : deux tours sur poteaux défendant l’entrée des Portes Mordelaises (XI-XIIe siècles) et des têtes de pont fortifiées en avant des deux franchissements médiévaux de la Vilaine, le fleuve bordant l’agglomération (pont Saint-Germain, XIe siècle, pont de la Poissonnerie). Au travers de ces exemples, notre communication propose de faire un état des connaissances sur les ouvrages avancés de la ville de Rennes entre le XIe et le XIIIe siècle, avant les grandes enceintes en pierre du XVe siècle. Elle permettra de dessiner une nouvelle vision de la ville, au-delà des murs et de réfléchir aux diverses formes de fortifications de terre et de bois, qui ont rapidement disparu du paysage urbain.

10h30 –Fortifier les faubourgs pour mieux défendre la ville. Les systèmes défensifs détachés péri- urbains dans le comté d’Artois des XIVe et XVe siècles par Mathieu BEGHIN (Service Archéologique Municipal d’Arras, IRHiS UMR 8529) et Léo MACHINET, (Service Archéologique Municipal d’Arras)

Depuis les années 1980, les études portant sur les fortifications urbaines (articles, monographies, mémoires et thèses universitaires) des actuels Hauts-de-France connaissent un certain dynamisme, mais sont restées isolées jusqu’en 2019. Cette année-là, le lancement du projet collectif de recherche « Les places fortes des Hauts-de-France » – porté par le service régional de l’archéologie – a permis de fédérer les chercheurs issus de domaines d’études variés et travaillant autour des fortifications médiévales et modernes régionales. Parmi les axes traités par les membres du PCR, celui de la mise en défense des abords bénéficie en autre du dynamisme d’une série de travaux historiques et archéologiques portant sur divers aspects des faubourgs du Nord de la France. À partir du dialogue des sources archéologiques, textuelles et iconographiques, ainsi que d’observations géomorphologiques, la présente communication se propose d’identifier les différentes structures défensives avancées autour des faubourgs composant le réseau urbain du comté d’Artois. Le propos aura pour contexte la guerre de Cent Ans qui contribua à la mise en place, au développement et à la diversification des éléments composants le système détaché de la ceinture urbaine défensive.

11h10 – La Tour del Baloard : une fortification de la ville d’Arles à l’embouchure du Rhône (1469-1642) par Philippe RIGAUD ((LA3M) Aix-Marseille Université – CNRS UMR 7298)

Dans la deuxième moitié du XVe siècle la ville d’Arles confrontée à des incursions maritimes récurrentes décida de faire construire à l’embouchure principale du Rhône une fortification destinée à contrôler l’entrée du fleuve. Eloignée de la ville d’environ 40 km elle fut jusqu’à la fin du XVIe siècle un poste avancé sur un axe commercial d’importance. Située en Camargue un espace sujet aux évolutions rapides elle ne cessa d’être construite et réparée à grand frais par la communauté. En 1588, suite à un changement du cours du fleuve, elle perdit de son importance et fut remplacée par deux autres fortifications, elles-mêmes également victimes des facéties du fleuve. La Tour del Baloard disparut en 1642, ces matériaux servant à édifier de nouveaux mas dans les environs. Aucune trace ne subsiste sur le terrain en raison de la récupération systématique des pierres et des travaux agricoles. Une abondante documentation d’archives et quelques illustrations tardives permettent cependant de retracer son histoire.

12h00 – Buffet

14h00 – Les défenses avancées de Strasbourg entre la fin du Moyen Âge et les débuts de l’époque moderne par Jean-Jacques SCHWIEN (Maitre de conférences en archéologie médiévale, Université de Strasbourg – UMR 7044 Archimède)

Strasbourg était au Moyen Âge une ville libre, avec un statut similaire aux cités-états d’Italie, obtenu au terme d’une guerre qui, en 1262, s’était soldée par l’éviction de l’évêque, son seigneur temporel. En dépit d’un territoire très restreint, elle a su aménager une puissante ceinture fortifiée puis l’adapter aux évolutions de la poliorcétique, provoquant l’admiration de Vauban qui, en 1681, accompagnait Louis XIV venu compléter les prises de guerre françaises en Alsace. Cette ceinture fortifiée et son évolution est très bien connue, documentée par des recherches tant historiques qu’archéologiques. Elle a d’emblée été complétée par divers ouvrages avancés, évoluant de même avec les changements dans l’art de la guerre. Ponctuels (tours), linéaires (fossés) ou étendus (glacis), ils remplissaient diverses fonctions : marquage des limites communales (avec péages et barrière pour les bannis), gestion du réseau hydrographique secondaire entre Ill et Rhin et, bien sûr, postes ou lignes défensives. Le point d’orgue de ces aménagements a été la constitution d’un large glacis, obtenu par la démolition des faubourgs en plusieurs étapes, aux XIVe et XVe siècles. Ce glacis préfigure les dehors non aedificandi développés par les ingénieurs militaires de l’époque moderne. Mais il s’inscrit aussi dans la continuité d’une volonté de “voir loin devant”, attestée à Strasbourg dès le conflit de 1262 avec l’évêque.

Deuxième session : Les structures défensives avancées de châtellenies et sites castraux (présidé par Gilles AULOY, Président du Centre de Castellologie de Bourgogne)

14h40 – Découverte de nouveaux éléments défensifs et/ou de siège aux abords immédiats du château de Châteaubriant par Céline PRIGENT (Responsable d’opération, INRAP)

Une fouille préventive menée en 2024 par l’Inrap aux abords de la Porte des Champs du château de Châteaubriant, en Loire-Atlantique, a permis de suivre sur un peu plus de 80 mètres les vestiges inédits d’un puissant fossé défensif dont les dimensions peuvent atteindre une dizaine de mètres à l’ouverture pour cinq mètres de profondeur et dont le tracé semble ceinturer les fortifications de la ville déjà reconnues à quelques dizaines de mètres de là. A quelques mètres de sa rive extérieure, ce fossé est bordé sur toute sa longueur de deux rangées de trous de poteaux synchrones dont le gabarit, la densité et le très faible écartement interrogent sur leur fonction défensive ou poliorcétique ; ce double alignement pouvant notamment s’apparenter aux fondations d’un rempart en bois. Si le caractère militaire de ce dispositif et sa datation entre le XIIIe et le XIVe siècles ne fait aucun doute, sa vocation et ses commanditaires demeurent à déterminer. Participe-t-il du dispositif défensif de la ville ou correspond-il au contraire à une ligne de contrevallation ?

15h20 –Découverte d’un aménagement défensif sur une crête à proximité du château médiéval d’Arguel (25) par Daniel DAVAL (Association de recherche et d’étude des sites archéologiques comtois)

Dans le cadre du programme LIEPPEC (Lidar pour l’Étude des Paysages Passés Et Contemporain) soutenu par la MSHE C.N. Ledoux USR 3124, CNRS-université de Franche Comté, nous avons découvert en 2014 une crête aménagée pour en faire un élément avancé de protection pour le Château médiéval d’Arguel situé à environ 200 mètres au nord-est. Cet endroit est le seul accès pour un éventuel ennemi voulant attaquer discrètement le château. La crête est large d’une dizaine de mètres à cet endroit, bordée du côté ouest par une falaise haute d’une dizaine de mètre et une forte pente du côté est. Pour protéger cet accès, un fossé a été creusé dans le rocher perpendiculairement au sommet, il est large de trois mètres et possède deux talus à l’avant. Le fossé se poursuit le long du plateau sommital en épousant la forme de la crête en suivant la courbe de niveau, il se termine à l’arrière sur le haut de la falaise. La falaise située côté ouest du site forme un large gradin couvert intégralement par un éboulis. Le MNT Lidar nous a révélé la présence d’un court fossé avec talus côté sud également situé à la base de l’éboulis juste avant une autre falaise. La zone de protection du château s’étendait donc également sur l’éboulis. Les prospections effectuées sur ce secteur en 2020 nous ont permis de découvrir le même type de carreau du 14e siècle et une zone d’habitats située à quelques dizaines de mètres vers le nord sur une zone plus plane (ancien village ?).

16h00 Pause café

16h20 – Des fortins de contrôle et de conquête aux marges des châtellenies : les « bâties » de la guerre entre Dauphiné et Savoie (1282-1355) par Laurent D’AGOSTINO (Atelier d’Archéologie Alpine ; Chercheur associé CIHAM, UMR 5648)

A la fin du XIIIe et dans la première moitié du XIVe siècle, plusieurs dizaines de fortifications intermédiaires, appelées « bâties » dans la comptabilité médiévale, sont édifiées au cours de la guerre qui a opposé les dauphins de Viennois et les comtes de Savoie (1282-1355). Si ce terme (bastida, bastiaz…) est utilisé à l’origine pour désigner des résidences de la petite aristocratie, il prend un sens très spécifique au cours du conflit. Sortes de fortins, d’abord simples constructions en bois parfois entourées de fossés, puis édifices en pierre, ils sont destinés à contrôler les marges des châtellenies sur des zones de friction et à former des têtes de pont permettant la conquête d’une partie du territoire ennemi. Les sites sont pour la plupart abandonnés lorsqu’ils sont devenus inutiles, mais certains gagnent le statut de centre de châtellenie et sont inféodés à des vassaux. Les prospections, études de bâti et fouilles livrent l’image de constructions militaires originales, toujours rattachées à un château plus important, souvent beaucoup plus grosses qu’une simple redoute ou fortification avancée et souvent placées à plusieurs centaines de mètres ou quelques kilomètres de leur centre administratif.

17h00 –Les fortifications avancées du donjon de Semur-en-Auxois à la fin du Moyen Âge : du belle au boulevard par Jérôme BENET (Professeur documentaliste au lycée du parc des Chaumes, Société des Sciences de Semur-en-Auxois)

Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le duc de Bourgogne Robert II construit au sein de sa ville de Semur, siège du bailliage d’Auxois, un imposant donjon quadrangulaire. Situé au point de recoupement d’un méandre formé par la rivière Armançon, il barre l’accès à l’ancien castrum et surplombe la vallée de plusieurs dizaines de mètres. Bien que naturellement très protégé, ce donjon était pourvu de tout un ensemble de fortifications avancées qui, n’ayant laissées aucun vestige en élévation, ont longtemps été ignorées. Pourtant dès 1350, les textes mentionnent l’existence à l’est et à l’ouest de la forteresse, de « belles » pourvus de ponts régulièrement entretenus. A compter de 1440 le duc procède à la réfection totale de ces éléments défensifs par la construction d’imposants boulevards. A partir des comptes de châtellenie, de l’iconographie et des éléments du château encore en place, il est possible de retracer l’évolution de ces fortifications avancées. La documentation du XVème siècle livre des descriptions assez conséquentes qui permettent de proposer des hypothèses de restitution et d’établir un lien avec les fortifications urbaines adjacentes. Divers éléments de la comptabilité ducale contribuent à replacer l’édification de ces constructions dans le cadre de l’évolution générale de donjon semurois sous les ducs Valois.

Dimanche 13 octobre 2024

Matinée présidée par Mélinda Bizri, Ingénieur d’études en archéologie Université de Bourgogne, UMR 6298 ArTeHis)

9h00 – Trois exemples de fortifications détachées en Bretagne (XVe-XVIe siècle) par Laurent BEUCHET (Ingénieur chargé de recherches, INRAP ; UMR 6566 CReAAH)

L’adaptation des châteaux bretons à l’artillerie est parfois réduite à la construction de grosses tours à canons en fer à cheval sur les enceintes, castrales et urbaines, par le duc François II, et à l’érection de boulevards devant les portes de villes. Des études archéologiques récentes permettent d’élargir le propos en mettant en évidence d’autres fortifications détachées, plus anciennes. A Fougères (Ille-et-Vilaine), la présence d’un ouvrage, aujourd’hui détruit, est connu par un plan du XVIIIe siècle et dénommé « la demi- lune ». Une reprise du dossier dans le cadre d’un diagnostic archéologique autour du château, confrontant sources documentaires et archéologique, permet de dater cet ouvrage des années 1430 et de l’intégrer dans un contexte défensif global, adapté à la topographie ancienne et associé à un système hydraulique aujourd’hui illisible. Ce cas fougerais rappelle la présence d’un autre ouvrage détaché, datable des années 1440 et également disparu, mis en évidence par l’étude archéologique complète du château de Guingamp en 2004. Le troisième cas, plus récent, a été mis au jour au château du Guildo où un diagnostic réalisé en 2018 en complément de l’étude archéologique du château a mis en évidence un fort ouvrage en V construit devant l’entrée du château. Il est complété par d’autres retranchements, plus précaires, mis en œuvre pour défendre les accès terrestres à la place forte durant les guerres de la Ligue (1590-1598).

9h40 –Le fossé comme circulation retranchée ; inventaire des possibles par Nicolas FAUCHERRE (Professeur émérite d’archéologie et d’histoire de l’art du Moyen Âge, AMU/LA3M)

Cette communication part d’un triple constat fonctionnel, projection « a anteriori » de l’organisation des dehors de l’âge classique : La poterne, murée d’origine, n’est ouverte que lorsque l’assaillant a choisi son secteur d’attaque ; elle permet de desservir le fossé en restant dérobée aux yeux et aux coups de l’assaillant par la contrescarpe ; le fossé (comme la lice) permet à des troupes nombreuses de circuler rapidement et à couvert en périphérie de la forteresse pour lui offrir une défense active, voire offensive ; le sommet de la contrescarpe offre une circulation périphérique palissadée, ancêtre du chemin couvert, a fortiori lorsqu’un second fossé, associé à une levée de terre périphérique, héritée du vallum romain, permet un étagement des feux de la défense. Manque à ces prémices l’escalier pas-de-souris, permettant de relier fossé et rebord de la contrescarpe, manifestement desservie, dans les exemples repérés, uniquement par ses extrémités. La communication se propose de nourrir cet a priori théorique d’exemples de fossés dynamiques médiévaux rencontrés en fouille ou en observations de terrain (enceinte Charles V à Paris et de Césarée de Palestine, châteaux de Terride à Mirepoix, de Noyers-sur-Serein, du Mez-le-Maréchal, etc.), mais aussi dans les sources sur l’organisation du guet et dans les témoignages contemporains de sièges.

10h20 : Pause café

10h40 – Les systèmes de défenses avancées du château de Joux : visite de site par Valentin METRAL (Communauté de communes du Grand Pontarlier, UMR 6249 Chrono-Environnement)

11h40 – Conclusion du colloque par Vincent BICHET (Archéo-géologue, UMR 6249 Chrono- Environnement) et Valentin CHEVASSU (Responsable d’opération InSitu Archéologie SA, UMR 6249 Chrono-Environnement).

12h00 – Buffet

14h00 – Visite du château de Joux (pour ceux qui souhaitent se joindre à nous)