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Mai 2025 : Retour sur le colloque “Abandon de poste.Processus, usages et représentations de l’abandon du patrimoine bâti militaire de l’Antiquité à nos jours’

 

Du 14 au 16 avril 2025 s’est tenu, au château de Vincennes, sous l’égide du ministère des Armées, le colloque « Abandon de poste. Processus, usages et représentations de l’abandon du patrimoine bâti militaire, de l’Antiquité à nos jours ». Retour sur ces trois jours de discussions.

En présentiel dans l’écrin exceptionnel fourni par le pavillon du roi du château ou en ligne, les auditeur.ices ont pu écouter une vingtaine de communications, formant un ensemble dont l’interdisciplinarité et la transpériodicité ont été saluées à diverses reprises. De l’archéologie des fortifications chypriotes (Claire Balandier) à l’étude des graffitis des forts namurois (Florence Pierre) en passant par les projets architecturaux (Atelier Philippe Prost) et les stratégies de planification urbaine en Italie, en Espagne (Federico Camerin) et en France (Marie-Caroline Gaymard), le colloque a mobilisé des professionnels issus de tous les horizons académiques et géographiques.

Cette diversité des angles et des regards portés sur l’objet d’étude a permis de mettre en exergue la difficulté rencontrée par les scientifiques et l’institution à l’heure de définir l’abandon qui constitue une situation difficile à appréhender, aussi bien par les chercheur.euses qui manquent de documentation – a fortiori pour les périodes hautes – que par l’administration qui peine à définir un cadre légal. La problématique n’est pas récente : Simon Guinebaud en fait état dès l’époque moderne, alors que la monarchie absolue amorce une théorisation tout opportune du problème. Pour autant, l’exemple de la collaboration fructueuse entre l’Université de Cagliari et le ministère italien de la Défense, développé par Donatella Rita Fiorino, permet de fonder de solides espoirs pour la prise en compte de ce patrimoine particulier.

Les communications ont aussi brossé le portrait d’un objet polymorphe. Michel Reddé évoque ainsi des camps romains construits avec ce que l’on pourrait nommer une « préméditation d’abandon ». C’est loin d’être le cas pour des édifices prestigieux comme les casernes des mousquetaires analysées par Julien Wilmart ou les châteaux bretons étudiés par Patrick Kernevez, qui témoignent donc de la décorrélation entre importance – stratégique, identitaire, symbolique, fonctionnelle…  –  du bâtiment et abandon. En somme : aucun édifice militaire n’est à l’abri de ce couperet.

L’abandon constitue une épée de Damoclès d’autant plus pesante pour le patrimoine bâti militaire qu’il est constitué en majorité de sites complexes et peu malléables. Faute de remploi aisé, les évolutions historiques – contexte géopolitique, techniques et technologies de guerre, politiques mises en œuvre etc. – contribuent à rendre les édifices militaires « inutiles » (selon l’expression de la MRAI). Ces déclassements portent une série d’enjeux de taille pour le ministère : environnementaux (Manatea Taiarui au sujet du démantèlement des centres d’expérimentation nucléaire en Polynésie française) ; mémoriels (fort de Romainville étudié par Géraldine Djament), ou encore juridiques (transfert de propriété de la citadelle de Lille cité par Philippe Diest), etc.

L’abandon n’est pas systématiquement péjoratif, et revêt même une forte dimension esthétique soulignée à la fois par Unige Bagdi pour le patrimoine hollandais et par Paul Dobraszczyk pour l’Orford Ness. Le regard que les photographes Olivier Chantôme, Eric Lusito et Thomas Jorion portent sur l’abandon, interrogé lors d’une table ronde à trois voix ainsi qu’à travers l’exposition photographique de la série sur les bunkers du Mur de l’Atlantique de Thomas Jorion, a confirmé cette fascination universelle exercée par l’abandon.

D’autres éléments contredisent cette apparente mauvaise réputation de l’abandon des édifices militaires abandonnés : ils deviennent ainsi synonymes de paix après le départ des Anglais à Mannheim (Oliver Benjamin Hemmerle). Enjeu de pouvoir (dans les marches hongroises d’Özkan Bardakçi autant que dans les villes médiévales d’Alain Salamagne), les fortifications abandonnées ne tombent pas pour autant dans l’oubli : encore aujourd’hui, une mémoire locale entretient ainsi le souvenir de ces redoutes des guerres révolutionnaires dans le Roussillon et la Catalogne, traitées par Quentin Censier et Valentin Barrier.

Nicolas Offenstadt dresse les conclusions de trois journées intenses qui ont ouvert une boîte de Pandore : ce colloque ouvre un champ épistémologique fertile, mais qui reste à défricher.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Emilie d'Orgeix (9 mai 2025). Mai 2025 : Retour sur le colloque “Abandon de poste.Processus, usages et représentations de l’abandon du patrimoine bâti militaire de l’Antiquité à nos jours’ GIS Patrimoines militaires P2ATS. Consulté le 10 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13wg6